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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/257

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fluence de sa propre imagination, il se fût formé un phantasme conforme à son désir, soit plutôt qu’il ait voulu par ce prétendu miracle jeter les gens dans la stupeur, et, grâce à ce mensonge, frayer la voie à d’autres impostures[1] ».

Les expressions qu’emploie Porphyre pour désigner saint Pierre sont d’un relief dont la vigueur dépasse tout ce que nous trouvons avant lui. Il l’appelle « le chef du chœur des disciples » (ὁ πρωτοστάτης τοῦ χοροῦ τῶν μαθητῶν[2]), « le coryphée et le premier des disciples » (ὁ κορυφαῖος καὶ πρῶτος τῶν μαθητῶν[3]), « celui à qui fut départi le pouvoir de diriger les affaires » (τῆς κορυφῆς τῶν πραγμάτων… τὴν ἐξουσίαν[4]). Bien entendu, l’ironie est sous-jacente, et c’est elle qui inspire toute la tactique de Porphyre.

Ce à quoi il s’applique, en effet, c’est à montrer la disproportion entre le rôle écrasant dévolu à l’apôtre et sa chétive personnalité. Pierre n’avait-il pas renié Jésus trois fois, parce qu’il avait eu peur d’une pauvre servante[5] ? Ne s’était-il pas mis à diverses reprises en contradiction formelle avec les préceptes de son Maître ? Le Christ lui avait prescrit de pardonner jusqu’à septante fois sept fois : il coupe une oreille au serviteur du Grand Prêtre, qui ne lui avait fait aucun mal et obéissait aux ordres reçus[6] ; il châtie sans pitié Ananias et Sapphira, qui s’étaient tout juste réservé, sur le prix de leur champ, une petite somme pour leurs indispensables besoins[7] ; en s’échappant de prison,

  1. Ibid., II, 55 (Koetschau, I, p. 179, l. 25 et suiv.).
  2. Fragm. no 23.
  3. Fragm. no 26.
  4. Ibid.
  5. Ibid., et no 25.
  6. Fragm. no 24.
  7. Fragm. no 25. Saint Jérôme fait allusion dans l’Ép. 130, 14, § 4 au stultus philosophus qui accuse saint Pierre d’avoir appelé sur eux la mort, alors qu’il n’a fait que prédire la sentence divine.