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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/274

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Même en supposant que tel des Grecs soit assez obtus pour penser que les dieux habitent dans les statues, ce serait encore une conception plus pure que d’admettre que le Divin (τὸ Θεῖον) soit descendu dans le sein de la vierge Marie, qu’il soit devenu embryon, qu’après sa naissance il ait été enveloppé de langes, tout sali de sang, de bile — et pis encore[1].

Le système de l’Incarnation lui apparaît inacceptable. Pourquoi le Christ serait-il venu si tardivement, après avoir laissé l’humanité privée pendant tant de siècles du bienfait de la révélation ? Pourquoi aurait-il permis que se perdent sans secours d’innombrables âmes[2] ? — Et comment croire que le Fils de Dieu ait vraiment souffert sur une croix ? À quoi bon cette croix ? Comment a-t-il souffert, étant, par sa nature divine, « impassible » (ἀπαθής ὤν)[3] ?

Porphyre juge immorale la pratique baptismale (quand ce sont des adultes qui en bénéficient, cas très ordinaire à cette époque) : tant de souillures, d’adultères, de turpitudes lavés par une seule ablution, par une simple invocation du nom du Christ, au point que le catéchumène rejette tout son fardeau de péché comme un serpent se dépouille de sa peau ! Une pareille discipline est conseillère de vice et d’impiété[4].

Geffcken[5] se demande, à ce propos, si Porphyre aurait

  1. Fragm. no 77.
  2. Fragm. nos 81 et 82. Cf. Celse, ap. Origène, IV, 7.
  3. Fragm. no 84. La théorie philosophique de l’ « impassibilité » divine a été étudiée récemment par J. K. Mozley, The impassibility of God, Cambridge, 1926. On en trouve l’écho jusque chez les poètes : cf. Ovide, Métam. II, 621 « … neque enim caelestia tingui | ora licet lacrymis » et déjà Euripide, Hippolyte, vers 1396 « À mes yeux, dit Artémis, sont interdits les pleurs. » — On voit la justesse de l’observation de saint Augustin qui, interpellant Porphyre dans la Cité de Dieu (X, 28), lui dit : « … Hunc autem Christum esse non credis : contemnis eum propter corpus ex femina acceptum et propter crucis opprobrium. »
  4. Fragm. no 88. Porphyre emploie ici les expressions « techniques » de la pénitence chrétienne (συγγνώμη, ἀμαρτάνειν, ἀπόλυσις, etc.).
  5. Ausgang…, p. 269, note 91.