Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/275

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manifesté une rigueur si sévère à l’endroit des tauroboles et des crioboles, rites fétides et sanglants auxquels les païens de son temps attribuaient une vertu pareillement expiatrice.

Mais c’est surtout le rite eucharistique qui provoque l’indignation de Porphyre. Il en parle avec la même véhémence et les mêmes éclats que Juvénal, dans sa XVe satire[1], là où il décrit le hideux repas des habitants d’Ombi, en Égypte, dévorant un ennemi abattu et fait prisonnier. Pour lui, la communion est un acte de cannibalisme. Il évoque à son propos le festin de Thyeste, le mets abominable servi par Astyage à Harpage. Il affirme que, parcourût-on les pays les plus sauvages, celui des Macrobiens d’Égypte, des Phteirophages [= les Mangeurs-de-poux], des Rhizophages [= les Mangeurs-de-racines], des Herpetosites [= les Mangeurs-de-reptiles], des Mystroctes [= les Mangeurs-de-rats], on n’y verrait rien de pareil. Il traite les paroles du Christ dans saint Jean[2] : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes, etc. », de « bestiales » et d’ « absurdes ».

L’oreille ne supporte pas — je ne dis pas le fait lui-même, mais la simple mention de cette atrocité nouvelle et inouïe… Quand même une pareille affirmation aurait, à l’entendre allégoriquement[3], quelque sens mystérieux et profitable, l’odeur qu’elle exhale, en pénétrant dans l’âme, l’épouvante et la bouleverse, et le sens caché en est tout entier gâté ; c’est comme un vertige d’humaine calamité. Même dans les pires famines, les animaux dénués de raison ne se mangent pas entre eux… Il y a eu des maîtres qui ont proposé d’étranges, de bizarres

  1. Vers 78 et suiv. Il y a même entre Juvénal et Porphyre de sensibles analogies de raisonnement.
  2. VI, 53.
  3. ἀλληγορικῶς.