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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/276

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idées. Mais ni chez les barbares, ni chez les Grecs de l’ancien temps, il ne s’est trouvé un historien, un philosophe pour inventer un tragique paradoxe à ce point inédit !

Et Porphyre suppose que c’est à dessein que Matthieu, Marc et Luc ont omis cette prescription, ayant senti qu’elle était étrangère à toute civilisation et inacceptable pour tout homme cultivé[1] !

Le dogme de la résurrection provoque de sa part une discussion plus sérieuse et plus serrée. Il savait l’importance capitale que ses adversaires y attachaient (fiducia Christianorum, resurrectio mortuorum, avait dit Tertullien[2]), et combien il avait été dès le début difficilement assimilable à la pensée païenne. Aussi est-il bien aise de résumer aussi fortement que possible les objections traditionnelles[3]. « Pourquoi Dieu interromprait-il à un moment donné la succession des créatures, la conservation indéfinie des espèces ? L’ordre qu’il a une fois déterminé doit être éternel, à la différence d’un ordre humain, toujours précaire. — Si l’univers était brusquement détruit et que la résurrection intervînt aussitôt, on verrait donc à côté de Priam ou de Nestor l’homme décédé trois ans avant l’événement ? — Puis, comment imaginer la reconstitution des organismes abolis ? Un homme fait naufrage : les mulets de mer dévorent son corps ; des pêcheurs mangent les mulets ; ils périssent eux-mêmes, et leurs cadavres sont mangés par des chiens, lesquels deviennent la proie des vautours ? Qu’est devenue la chair du naufragé ? »

  1. Fragm. no 69. À ce prix, l’Évangile de saint Jean représenterait un niveau de pensée et de culture inférieur à celui des synoptiques. Les néo-platoniciens étaient, en général, d’un autre sentiment. Voy. plus haut, p. 228.
  2. De Resurr. Carnis, I (Œhler, II, 467).
  3. Fragm. no 94.