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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/311

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IV

Arrêtons-nous un instant sur cette « sublimation » progressive du héros de Philostrate.

Nous avons observé qu’en écrivant au début du iiie siècle sa fameuse Vie d’Apollonius de Tyane, Philostrate y avait inséré un certain nombre d’épisodes apparentés aux récits du Nouveau Testament. On a souvent conclu de là qu’une intention de polémique lui avait suggéré l’idée de cette biographie, et qu’il avait essayé de composer une figure assez prestigieuse pour pouvoir être comparée, et préférée même, à celle de Jésus. Une telle intention a certainement traversé son esprit. Qu’elle fournisse la clé de l’œuvre tout entière, c’est un point qui reste douteux.

En tous cas, le succès de l’ouvrage favorisa très vite l’exaltation de son Saint, devenu grâce à l’image plus ou moins fantaisiste que Philostrate avait tracée de lui, la plus haute, la plus imposante figure du paganisme.

Apollonius avait fait des miracles ; il avait endoctriné ceux qui l’écoutaient ; il s’était montré profondément respectueux des cultes traditionnels, dont il avait expliqué à leurs dévots le véritable esprit. Il était tentant pour des polémistes, décidés à ne garder aucun ménagement, de dire aux chrétiens : « Ce Jésus que vous présentez comme supérieur à toute humanité, encore qu’ayant revêtu l’humanité, n’est pas aussi exceptionnel que vous le supposez : nous pouvons vous en offrir un autre exemplaire qui ne lui cède en rien, et à qui sa haute culture philosophique assure même une supériorité manifeste. Vous croyez que