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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/330

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vraisemblable que, pour complaire aux sentiments d’une partie du public, les auteurs de « mimes » — il n’y avait plus guère que le mime, à cette époque, qui, dans la décadence profonde du théâtre, eût gardé une réelle vitalité — portèrent parfois sur la scène des épisodes comiques, des « sketches » bouffons, dont les rites chrétiens faisaient les frais.

À ce point de vue, la « passion » de saint Genès, dont notre Rotrou s’est si heureusement inspiré dans sa tragédie de Saint Genest, jouée en 1646, renferme certaines données dont il est licite de tirer parti, même si l’ensemble du morceau n’inspire qu’une confiance des plus médiocres[1].

Genès y est présenté comme étant à Rome le directeur d’un théâtre de mimes[2]. Il lui prend fantaisie de parodier un jour devant l’empereur Domitien les mystérieuses pratiques chrétiennes (ludum exhibere de mysteriis christianae observantiae).

Quand l’empereur et le peuple furent arrivés au théâtre, l’acteur apparut au milieu de la scène, couché, malade, demandant le baptême : « Hélas, faisait-il, mes bons amis, je me sens lourd ! Je voudrais devenir plus léger… » — Les comparses répondaient : « Comment faire ? Nous ne sommes pas charpentiers ! Faut-il te raboter[3] ? » — Genès reprit : « Imbécile ! je veux mourir chrétien. — Et pourquoi ? — Afin de fuir aujourd’hui dans le sein de Dieu. »

On appelle le prêtre et l’exorciste. Les deux acteurs s’assoient près du lit du prétendu malade : « Cher enfant, pourquoi nous as-tu appelés ? » — « Parce que je désire

  1. Texte dans Ruinart, Acta Martyram Sincera, éd. de Ratisbonne, 1859, p. 312 et s. Traduction française de Dom Leclercq, les Martyrs, t. II, p. 29 et s. et de P. Monceaux, La Vraie Légende dorée, Paris, 1928, p. 295 et s. Tillemont place les faits en 285-286 ; Baronius, en 303.
  2. Mimithemelae. Le mot ne figure pas dans le dictionnaire de Georges. Il est évidemment formé d’après le grec θυμέλη.
  3. Allusion probable au métier exercé par Jésus. Voy. p. 201.