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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/345

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On connaît, d’autre part, le respect des Anciens pour le mos maiorum, pour les traditions héritées. Devant le legs des siècles, leur scepticisme ordinaire ne se permettait plus ni doute, ni réserve. Et ils se plaisaient à opposer à cette foi chrétienne, née sous Tibère, la chaîne ininterrompue de pratiques dévotieuses, de sages maximes, dont l’origine se perdrait dans la nuit des temps. Les polémistes chrétiens ripostaient en raillant cet assujettissement au passé. Lactance avait cité dans ses Institutions divines les beaux vers où Properce, au seuil de ses Élégies romaines[1], évoquait les sénateurs de la Rome primitive, avec leurs vêtements grossiers et leur âme rustique ; et il demandait ironiquement si c’était vraiment un devoir de tout subordonner à ce qu’avaient pensé ces centum pelliti senes, ces cent vieillards en peaux de bêtes. Non, s’écriait-il, quand il s’agit d’une chose aussi importante que la conduite de toute une vie, c’est à soi-même qu’il faut se fier, c’est à l’aide de son propre jugement qu’on doit chercher et conquérir le vrai. Mieux vaut utiliser la petite parcelle de sagesse dévolue à chacun de nous que d’accepter, les yeux fermés, les inventa maiorum[2].

De telles affirmations — dont on perçoit l’écho tout au long du ive siècle[3] — devaient paraître anarchie pure aux regards des conservateurs romains.

Heurtés dans leur traditionalisme, ils l’étaient aussi dans

    Jérôme écrit son de Viris illustribus, en 392, pour « apprendre aux Celse, aux Porphyre, aux Julien et à leurs disciples, qui estiment que l’Église n’a ni philosophes, ni orateurs, ni docteurs, les noms des grands hommes dont la Foi s’honore ; ainsi cesseront-ils d’accuser cette foi de simplicitas rustica ».

  1. IV, i, 11 et s.
  2. II, 8 (éd. Brandt, p. 124).
  3. Athanase, Or. c. Gentes, x (Patrol. gr., 25, 24) ; Eusèbe de Césarée, Prép. Év., II, vi (ibid., 21, 141) ; saint Ambroise, Ép. 18, etc. ; Prudence, Contra Symm., II, 277 et s.