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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/346

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leurs admirations littéraires, quand ils se risquaient à lire certaines œuvres chrétiennes, où pourtant l’influence des classiques était partout sensible. Prenons le poète Prudence : il a le respect et l’amour de Rome ; il accepte du même cœur qu’un Horace ou un Virgile le dogme de son immortalité ; le prestige du Sénat demeure inentamé à ses yeux. Et pourtant il affecte de considérer la religion romaine tout entière comme une croyance barbare, bonne pour des rustres[1]. Il traite Ariane, la pathétique héroïne de Catulle[2], dont l’abandon, les plaintes douloureuses avaient inspiré tant d’œuvres d’art, de scortum[3], de meretrix[4]. Il raille lourdement, lui aussi, le mos maiorum, comme si toute fidélité aux traditions impliquait une hostilité radicale au progrès humain et favorisait les pires régressions vers un passé aboli[5]. — On devine les sourires méprisants que de telles outrances devaient provoquer dans des cercles déjà mal disposés.

La Bible latine elle-même, si d’aventure un païen formé aux humaniores litterae consentait à y jeter les yeux, ne pouvait guère lui apporter que surprise et dégoût. « Quand, habitués aux recherches de style, aux ingénieuses subtilités de la pensée ou de l’expression, au cliquetis des assonances et aux raffinements des figures de rhétorique ou de grammaire, les beaux esprits (de ce temps) se trouvaient en présence, surtout dans l’ancienne Vulgate, de ces livres d’un latin incorrect où étaient racontés des événements si

  1. Contra Symmachum, I, 449 : Théodose dit à Rome : « Sint haec barbaricis gentilia numina pagis  »
  2. Poème 64.
  3. Contra Symmachum, I, 136 et s.
  4. Ibid., 144.
  5. Ibid., II, 277 et s.