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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/358

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culte divin. Alors cette terre si sainte, demeure des sanctuaires et des temples, sera toute pleine de sépulcres et de morts[1]. Ô Égypte, Égypte ! de tes cérémonies il ne subsistera plus que l’histoire à laquelle la postérité ne croira pas, et les paroles gravées dans la pierre qui racontent tes pieuses actions : c’est le Scythe, l’Indien, toute la barbarie voisine qui s’installera chez toi !… Pourquoi pleurer, Asclepius ? Chose plus pénible, plus lamentable encore, l’Égypte même se laissera persuader ; des maux pires l’intoxiqueront. Elle, la terre très sainte, amante de la Divinité,… maîtresse de sainteté et de piété, elle donnera l’exemple des pires cruautés. Les hommes inspireront une telle répugnance que l’univers cessera d’être admiré, adoré… Les ténèbres seront préférées à la lumière, on trouvera la mort plus utile que la vie. Personne ne lèvera plus les yeux vers le ciel ; l’homme religieux sera considéré comme un fou, l’irréligieux passera pour un sage, le furieux pour un énergique, le scélérat pour un homme de bien… Oui, croyez-m’en : il y aura péril capital pour celui qui se consacrera au culte de l’âme. Un nouveau droit se constituera, une loi nouvelle ; il ne sera plus question de rien de saint, de rien de religieux qui soit digne du ciel et de ses célestes habitants ; on ne croira plus à tout cela. Il y aura un douloureux divorce entre les dieux et les hommes. Seuls les anges nuisibles resteront, mêlés à l’humanité : ils induiront les malheureux à tous les méfaits de l’audace, aux guerres, aux rapines, aux fraudes, à tout ce qui est contraire à la vraie nature des âmes…

Hermès Trismégiste parachève cette lugubre et menaçante cantilène par l’annonce de grands bouleversements dans la nature. Haec et talis senectus veniet mundi[2]. Une fois morts les cultes païens, l’univers n’a plus qu’à périr ou du moins qu’à se renouveler, et le deus primipotens saura faire son choix entre les moyens propres à en extirper les éléments mauvais (par l’inondation, le feu, les épidémies) pour lui restituer sa face ancienne[3].

On remarquera combien étroitement ces plaintes se lient et s’apparentent à celles que Julien l’Apostat a si souvent

  1. Il pense évidemment aux memoriae des martyrs. C’est bien ainsi que saint Augustin a compris l’allusion (Cité de Dieu, VIII, xxvi).
  2. P. 63, l. 14 (éd. P. Thomas).
  3. Ad antiquam faciem mundum revocabit (p. 63, l. 22).