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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/359

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formulées. Pour le traducteur de l’Asclepius grec, comme pour l’Empereur lui-même, christianisme signifie barbarie, haine de la lumière, haine de la vie. Il remplit de tombeaux un sol qui se parait naguère de la beauté de ses temples. Il renverse audacieusement toutes les traditions consacrées par le temps. Et il emprunte la force de la loi pour contraindre les âmes vraiment religieuses.

« Tel qu’il est en latin, note fort justement le P. Lagrange[1], l’Asclepius est manifestement l’œuvre d’un néo-platonicien qui connaît le christianisme, qui le hait et qui, sans trop d’espoir, lui oppose la religion de l’intelligence, à laquelle il promet l’avenir, après le châtiment et la restauration. »

Le texte grec est antérieur aux premières années du ive siècle, puisque Lactance l’a eu sous les yeux. Contenait-il déjà certains pressentiments funestes relatifs à l’issue de la lutte engagée entre le christianisme et le paganisme ? La chose n’est pas invraisemblable, mais ne saurait être affirmée. On peut admettre que le traducteur latin l’ait remanié pour y introduire ses doléances indignées, dès après les premières mesures édictées par Constance en 346 et en 353 contre le culte païen[2]. Mais l’analogie de ses griefs avec ceux de l’empereur Julien, et le ton consterné de sa protestation, inviteraient plutôt à supposer que cette transposition latine a été faite assez tard dans le ive siècle, dans la période où les ordonnances anti-païennes se faisaient de plus en plus énergiques et brutales[3].

  1. Revue Biblique, t. 34 (1925), p. 386.
  2. Voy. Neill et Nock, dans Journal of Theol. Studies, t. 26 (1925), p. 174. Ces critiques rappellent la prédiction sinistre d’Antoninus, païen d’Égypte, telle qu’elle est rapportée par Eunape, Vie d’Ædesius (p. 61, Boissonnade), V, p. 367.
  3. F. Martroye a voulu démontrer dans une savante étude (Rev. histor.