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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/361

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saire force la croyance, il la contraint, tandis qu’un argument probable s’insinue et persuade. Tel est le cas d’une affirmation qu’on pose de telle sorte qu’elle ne saurait être autre chose que ce qu’elle est. Exemple : « s’il est né, il mourra » ; « si elle a enfanté, c’est qu’elle a couché avec uri homme… » J’ajoute que, selon l’idée des chrétiens, n’est pas nécessaire l’argument « si elle a enfanté, c’est qu’elle a couché avec un homme » ; et pas davantage celui-ci : « s’il est né, il mourra ». Car ils admettent comme une chose évidente l’existence d’un être qui est né sans l’intervention de l’homme, et qui ne meurt point !

Il est probable que Victorinus ne devait pas se priver, dans son enseignement, de décocher maintes allusions aussi acérées. Saint Augustin nous dit que son cœur était « la retraite inexpugnable du diable[1] » et que sa langue, telle une flèche aiguë, avait tué bien des âmes. Et pourtant une enquête sur l’Écriture sainte et la littérature chrétienne, quoique conçue dans un dessein nettement hostile, l’achemina à des conclusions inattendues. Il sentit naître en lui une sympathie grandissante pour la doctrine contre laquelle il cherchait des armes. Après quelques atermoiements, il fit publiquement sa profession de foi, au milieu d’une émotion qu’Augustin a su décrire avec son ordinaire bonheur d’expression. Il joua dès lors un rôle assez important dans les controverses ariennes, et chercha à utiliser les éléments néo-platoniciens dont il pensait que pouvait s’aider l’interprétation du dogme. Ni son exégèse ni sa philosophie ne satisfaisait entièrement un saint Jérôme. On s’accorde pourtant à reconnaître que Victorinus a formé à l’usage de l’Occident latin une nouvelle langue philosophique qui devait être d’un grand secours pour les logiciens et les métaphysiciens du moyen âge.

  1. Conf. VIII, 4, 9