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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/39

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Où Tacite a-t-il puisé les éléments de ce passage ? Il ne le dit pas : on sait qu’il est avare de ce genre de renseignements, même là où, d’après les principes qu’il arbore[1], il aurait dû se faire une obligation de citer ses garants. La mention de Ponce Pilate ferait penser à une source officielle. En tous cas, ce que nous constatons, c’est que la police romaine avait fort bien su faire la discrimination entre les Juifs et les chrétiens, pour limiter à ceux-ci son opération. Il est probable que les Juifs l’y avaient obligeamment aidée. Ils jouissaient d’une grande faveur auprès de Poppée qui pratiquait elle-même, semble-t-il, une partie des rites juifs[2] : nombreux étaient alors les prosélytes du judaïsme[3]. Il serait étrange que, sans une protection spéciale, détestés comme ils l’étaient des Romains, ils n’eussent même pas été effleurés par des mesures policières de cette brutalité.

Ce chapitre projette une subite lumière sur l’Église de Rome, en cette période un peu mystérieuse des débuts. Jusque-là nous ne savions d’elle que les brefs renseignements fournis par saint Paul dans l’Épître aux Romains. Et voici que, dès l’année 64, elle apparaît comme singulièrement florissante, puisque Tacite nous apprend que le coup de filet de la police ramena une ingens multitudo. Encore est-il évident que tous les fidèles ne furent pas captés, et que plus d’un passa à travers les mailles.

Le sentiment personnel de Tacite sur toute cette affaire n’est pas trop difficile à démêler. Il n’est aucunement

  1. Ann. XIII, 20, 3 : « Pour nous, résolus à suivre nos auteurs quand ils sont d’accord, nous rapporterons leurs divergences en indiquant leurs noms. »
  2. Josèphe, Antiq. Jud. XX, 195, 252 (éd. Niese).
  3. Cf. P. de Labriolle, Les satires de Juvénal, Paris, 1930, p. 179.