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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/413

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aveugles, ou exorcisé des démoniaques dans les villages de Bethsaïde et de Béthanie[1] !… Il était enchanté — lui, et son disciple Paul — quand ils réussissaient à tromper quelques servantes et quelques esclaves, et par eux des femmes, ou des hommes comme Cornélius et Sergius. Si, sous les règnes de Tibère et de Claude, ils ont réussi à convaincre un seul personnage distingué, vous pouvez me tenir en toutes choses pour un menteur[2] !… Une fois devenu homme, de quel bien fut-il l’occasion pour ceux de sa race ? Ils ne voulaient pas, nous dit-on, l’écouter. Pourquoi cela ? Ce peuple, « au cœur dur », au cœur de pierre, écoutait Moïse. Mais Jésus, qui commandait aux esprits, qui marchait sur la mer, qui chassait les démons, qui a créé le ciel et la terre — à ce que vous dites, vous autres, car aucun des disciples qui l’entouraient n’a osé affirmer cela de lui, à l’exception du seul Jean, et encore ne l’a-t-il pas dit clairement ni distinctement, mais enfin admettons qu’il l’ait dit ! — Jésus ne réussissait pas à modifier, pour leur salut, les manières de penser de ses amis et de ses parents[3].

D’ailleurs, la doctrine qu’il prêchait était inapplicable, et dangereuse au point de vue social :

Écoutez-moi ce beau précepte, utile à la société : « Vendez ce que vous avez et donnez-le aux pauvres ; faites-vous des bourses qui ne vieillissent point[4]. » Qui pourrait formuler ordonnance socialement plus bienfaisante que celle-là ? Si tout le monde t’obéissait, qui serait l’acheteur ? Le moyen de louer un enseignement qui, s’il prévalait, ne laisserait debout ni ville, ni nation, ni une seule famille ? Une fois tout vendu, quelle maison, quelle famille pourrait rester honorée ? Quant au fait que si l’on vendait tout à la fois dans une ville, on ne trouverait plus personne pour acheter, cela est évident et va sans dire[5].

Julien blâmait également le conseil du Christ sur l’obligation de faire du bien à ses ennemis. Invoquer Dieu pour les méchants, c’est dépasser les limites du juste ; il faut

  1. P. 199, 3 et s.
  2. P. 199, 14 et s.
  3. P. 202, 10 et s.
  4. Cf. saint Luc, XII, 33.
  5. Neumann, p. 237, 5 et s. Toute cette partie de la critique lui vient de Porphyre, fragm. 58 et 87, dans le répertoire de Harnack. Voy. p. 284-5.