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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/489

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du souci toujours laborieux de la composition, et autorisait de simples et toutes faciles juxtapositions d’idées. Puis ces discussions, parfois fort subtiles, correspondaient au goût des Anciens pour les débats épineux, où l’ingénieuse érudition de chacun pouvait se donner libre cours[1]. Sénèque se moquait de ces minuties et les déclarait ridicules[2]. Nul doute, cependant, que les gens d’esprit ne s’attardassent avec plaisir à des controverses de cette sorte. Les écrivains les plus sérieux ne dédaignaient pas de s’en servir. Le Juif Philon en usa dans ses Quaestiones et Solutiones sur la Genèse (en six livres) et sur l’Exode (en cinq livres), et avec quelle subtilité ! Le philosophe Plotin aimait à développer ses idées en prenant son point de départ dans quelque « aporie[3] ». Et quand son disciple Porphyre voulut inviter les âmes pieuses du paganisme à épurer la conception qu’un croyant devait se faire des dieux, des démons, de la prière, de la mantique, etc. ce fut sous la forme d’une série de doutes et de problèmes qu’il présenta les difficultés qu’il apercevait et essaya d’en préparer la solution rationnelle[4]. Le commentaire de Servius sur Virgile, au ive siècle, nous montre que les obtrectatores du poète amorçaient volontiers leurs critiques, relatives soit aux contradictions de l’Enéide, soit aux erreurs ou impropriétés de détail, par un cur ? ou un quare ? et que ces quaestiones alimentaient indéfiniment les disputes des doctes[5].

  1. Qu’on se rappelle les passe-temps favoris de Tibère, au témoignage de son biographe Suétone, Tib. xx ; comp. Juvénal, Sat. vii, 232 et s.
  2. Ép. 88.
  3. Voy. É. Bréhier, La Philos. de Plotin, Paris, 1928, p. 17.
  4. Saint Augustin a défini la méthode de Porphyre, Cité de Dieu, x, 11 (noter les mots tam tenuiler suspicatur (Porphyrius) aut dubitat).
  5. Voy. É. Thomas, Essai sur Servius et son Commentaire sur Virgile, Paris, 1879, p. 247 et s.