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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/496

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beaucoup discernent la signification du chant des oiseaux ? C’est un fait que le diable use de la langue de l’être dans le corps duquel il est entré. Autrement il n’eût pas trompé la femme. C’est donc bien par la bouche du serpent que le démon a parlé à travers le corps du serpent.

Un dernier trait est à relever : c’est la prétention que note l’auteur des Quaestiones chez les païens d’imputer aux chrétiens une sorte de plagiat des mystères, alors que c’est le démon qui, d’avance, a combiné certaines analogies rituelles pour favoriser leur erreur.

Voici ce curieux passage :

Il est bien prouvé que nous n’adorons pas la lune, et que nous observons seulement l’ordre des jours déterminé par le cours de la lune. Mais le diable — je veux dire Satan — afin de prêter quelque autorité à ses duperies et de colorer ses mensonges d’une fausse apparence de vérité, a usé de sa puissance, qui est réelle, pour instituer des myslères païens au cours du premier mois, où il sait que doivent être célébrées les cérémonies saintes du Seigneur. De la sorte, il enchaînait leurs âmes dans l’erreur, et cela pour deux raisons : d’abord, le mensonge anticipait sur la vérité ; la vérité paraissait donc mensonge, cette antériorité même créant un préjugé contre elle ; ensuite, parce que, dans le premier mois où les Romains observent l’équinoxe comme nous-mêmes, cette observance s’accompagne pour eux d’une cérémonie où ils prétendent obtenir l’expiation par le sang[1], comme nous nous l’obtenons par la croix. Grâce à cette ruse, le démon retient donc les païens dans l’erreur : ils s’imaginent que la vérité, qui est nôtre, n’est pas la vérité, mais une imitation, forgée par je ne sais quelle superstition pour leur faire concurrence « Car il est impossible, affirment-ils, de considérer comme vraie une invention venue après coup. »

Il est intéressant aussi de constater, d’après le Liber Quaestionum, que la polémique de Porphyre avait laissé des traces dans les intelligences chrétiennes, là du moins où la réflexion critique restait vivace, et aux aguets des objections dangereuses.

  1. Il s’agit du dies sanguinis (voy. plus haut, p. 447) que l’on comparait aux cérémonies de la Semaine sainte.