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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/51

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par les uns à adorer Sérapis, par les autres à adorer le Christ. Engeance séditieuse, vaine, impertinente ! Ville opulente, riche, productrice, où personne ne vit oisif ! Les uns soufflent le verre, les autres fabriquent du papier, d’autres sont teinturiers. Tous professent quelque métier et l’exercent. Les goutteux trouvent de quoi faire, les myopes ont à s’employer ; les aveugles ne sont pas sans occupation ; les manchots mêmes ne restent point oisifs. Leur dieu unique, c’est l’argent. Voilà la divinité que chrétiens, juifs, gens de toute sorte adorent[1]

Cette lettre est-elle authentique ?

E. Renan jugeait « inconcevable » qu’on pût élever des doutes sur un pareil morceau « d’un style si fin, qui porte si bien le cachet de son auteur, et que personne n’avait intérêt à fabriquer ».

En fait, les études approfondies dont l’Histotre-Auguste a été l’objet, depuis H. Peter et Ch. Lécrivain, commandent la plus grande prudence à l’égard des « documents » qui y sont cités. À passer au crible les expressions dont usa Hadrien, il en est une qui, vers la fin de la lettre, éveille une défiance justifiée.

Hadrien écrit : « … À peine étais-je parti qu’ils se sont mis à jaser sur mon fils Verus et à dire sur Antinoüs ce que tu sais, je crois. » Cette formule, « mon fils » Verus, implique que Hadrien avait déjà adopté (ce qu’il fit dans la seconde moitié de l’année 136) L. Ceionius Commodus[2], lequel devait mourir peu après. Or Servianus, alors très âgé[3], avait encore des prétentions à l’Empire[4], et dut manifester à ce sujet quelque mécontentement[5]. Hadrien,

  1. Trad. Renan, l’Égl. chrét., p. 189. Texte dans l’éd. Holl, t. II, p. 227.
  2. Ce personnage est appelé L. Aurelius Verus ou Verus dans l’Histoire-Auguste : les monnaies et les inscriptions ne le nomment jamais ainsi (P. W., art. Ceionius, col. 1830).
  3. Spartien, Vita Hadriani, 22 le traite de senex nonagenarius.
  4. Affectator imperii, dit Spartien.
  5. Dion, LXIX, 17, 1 = Zonaras, IX, 24.