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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/78

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Et voici un autre aspect, moins connu, de la personnalité de Marc-Aurèle, qui explique aussi sa froideur hostile à l’égard des chrétiens.

Il n’était pas le pur rationaliste, ni le sceptique, qu’a représenté E. Renan. Il croyait, au moins par accès, à l’action des dieux sur la vie humaine, à leurs « volontés particulières ». Il les invoquait dans ses inquiétudes, et n’omettait pas de les remercier de leurs bienfaits.

Tous ces dieux, écrivait-il, qui mettent à la disposition des hommes leur universelle action toujours présente et toujours prête ; qui, par des présages, des mystères, des remèdes, des oracles, les assistent et manifestent leur puissance, — je les appelle chacun par mes prières, et, selon la nature des vœux que je compte leur soumettre, je les invoque dans le lieu d’où le dieu préposé à telle catégorie de vœux peut le plus aisément m’exaucer[1].

Une pareille déclaration justifiait toutes les manifestations habituelles de la dévotion païenne. Marc-Aurèle lui-même en pratiquait soigneusement les rites. Dion Cassius nous apprend qu’il sacrifiait dans son palais, non seulement aux jours « fastes », mais même aux jours « néfastes[2] ». Quand il partit en guerre contre les Marcomans, il usa des journées en purifications, lustrations, sacrifices, au point de se mettre en retard pour son expédition. Dans le portrait que l’historien Ammien-Marcellin trace de l’empereur Julien (l’Apostat), on lit cette curieuse remarque :

Julien, déclare Ammien[3], fut plus superstitieux que strict observateur des lois saintes. Il sacrifiait sans souci d’économie d’innombrables troupeaux. On en arrivait à croire que, s’il revenait de chez les Parthes, bientôt on ne trouverait plus de bœufs. En cela il ressemblait à

  1. Ap. Fronton, éd. Naber, p. 47.
  2. LXXI, 34, 2.
  3. XXV, 4, 17.