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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/82

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rapprochements assez frappants entre les griefs du rhéteur et ceux qui étaient communément dirigés contre les chrétiens. La même thèse a été adoptée par Neumann[1], par Lacour-Gayet[2], qui croient qu’Ælius Aristide a en vue ceux-ci, bien plutôt que les Juifs, etc. Mais elle perd de plus en plus de terrain. Des critiques compétents[3] estiment qu’Ælius Aristide songe, non pas aux chrétiens, mais aux cyniques, aux philosophes populaires dont la raillerie n’épargnait aucune des idola temporis. André Boulanger remarque qu’à considérer le texte non pas isolément, mais dans l’ensemble dont il fait partie, il devient évident qu’Aristide en veut à des philosophes professionnels, qui « vont au peuple », se font peuple eux-mêmes « par leur habit et par leur langage ». C’est bien aux « cyniques » qu’il songe, « aux détracteurs de la civilisation hellénique et de l’art oratoire ; peut-être aussi aux disciples dégénérés d’Épicure et aux néoplatoniciens plus ou moins communistes ».

Wilamowitz-Moellendorff[4] est d’avis que par delà les Cyniques, auxquels certains traits de cette invective s’adressent, Aristide vise les philosophes en général, contre qui il garde la vieille hargne dont étaient animés tant de rhéteurs. Pour croire que cette invective s’adresse aux chrétiens, il faut, selon Wilamowitz, un véritable parti pris.

Telle est bien en effet l’impression qui se dégage de cette fougueuse tirade, quand on prend la peine de la lire d’un

  1. Der röm. Staat und die allgem. Kirche, I, p. 36.
  2. Antonin le Pieux et son temps, Paris, 1888, p. 385.
  3. Par ex. Mgr Duchesne, Hist. Anc. de l’Église, I, 200 ; Harnack, Mission und Ausbr. des Christentums, I³, p. 473, n. 1.
  4. Sitz.-Ber. de l’Acad. de Berlin, 1925, p. 350.