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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/83

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bout à l’autre. Je serais donc d’accord avec Boulanger et Wilamowitz pour considérer le passage relatif aux « impies qui sont en Palestine » comme un trait lancé en passant comme une comparaison simplement suggérée, et qui ne donne nullement la clé de tout ce long morceau. Mais bien plutôt qu’aux Juifs de Palestine, je crois qu’Aristide a ici en vue les chrétiens, et qu’il stigmatise chez eux une prétendue indiscipline, une apparence d’irrespect à l’endroit des Autorités constituées. Leur détachement des formes sociales de la vie païenne donnait aisément occasion à un tel grief. Remarquons qu’à deux reprises son contemporain Lucien évoque à propos des chrétiens le nom de la Palestine[1]. On savait que ce pays était l’origo huius mali, comme avait dit Tacite[2], et le mot fournissait une désignation simplifiée et commode.

Nous aurions donc, dans ce passage d’Aristide, un des premiers témoignages païens qui tendent à apparenter cynisme et christianisme. Amalgame inattendu, mais qu’il n’est pas très difficile d’expliquer.

« Cynisme » est pour nous synonyme d’effronterie, de dédain insolent à l’égard de tout respect humain, fût-ce le plus recommandable. Cette notion s’est simplifiée dans le sens péjoratif, en gardant toutefois quelque chose de sa valeur originelle.

Pour les Anciens, cynisme signifiait réprobation des formes sociales qui, plus ou moins, emprisonnent l’individu, des traditions qui pèsent sur lui et usurpent sur son indépendance. Le cynisme recommandait l’amour des biens naturels, l’affranchissement des besoins factices dont la

  1. Voir p. 102.
  2. Ann. XV, 44.