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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/84

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civilisation répand le goût et qu’elle rend à tous presque nécessaires. Il exigeait de ses adhérents une forte discipline intérieure, afin de lutter contre les préjugés dont l’atmosphère était alourdie autour d’eux.

Certes, à y regarder de près, cynisme et christianisme s’inspiraient de principes sensiblement différents. C’est au nom de la raison, nettoyée de préjugés, que le cynisme invitait les hommes à revenir aux mœurs primitives, à la saine nature : l’idée religieuse restait étrangère à ses préoccupations et en dehors de sa perspective. — D’autre part, si le cynisme recommandait une certaine ascèse, c’était uniquement afin d’aider l’individu à réduire ses appétits, à dépouiller son être factice pour rentrer dans le simple et dans le vrai. Il ne condamnait nullement le plaisir charnel, et trouvait tout simple qu’on le prit à l’occasion, selon les suggestions de l’instinct. Voilà un laisser-faire dont l’ascétisme chrétien ne se serait pas accommodé volontiers. — Ajoutons que l’attitude du cynique devant la vie, ses ironies et son détachement à l’endroit de toute hiérarchie, étaient aussi loin que possible de la loi de respect plus d’une fois proclamée par Jésus et par saint Paul. Ces mépris subversifs n’avaient rien de commun avec la conception chrétienne de la société.

De ces disconvenances, il serait aisé de grossir le nombre. Elles se traduisirent quelquefois par une rivalité ouverte. Le cas de saint Justin en face de Crescens en est un exemple significatif[1]. Justin, qui tient Crescens pour un homme sans loyauté, note « qu’il est impossible qu’un cynique, qui place la fin dernière dans l’indifférence, connaisse un autre

  1. Voy. p. 63 et s.