Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indistinctement tous ceux qui veulent bien les écouter, mais imposent un examen individuel à quiconque désire connaître la foi et se faire baptiser[1]. Saint Augustin, qui rappelle avec indignation dans la Cité de Dieu (XIV, 20) les pratiques honteuses de Diogène, constate que, de son temps, les philosophes cyniques, reconnaissables à leur manteau et à leur gourdin, sont très loin de l’effronterie du fondateur de la secte. Ils observent une certaine « tenue », sous la pression de l’opinion publique.

La complaisance chrétienne à l’égard du cynisme a donc duré fort longtemps, et il lui est même arrivé de s’égarer avec une naïveté quelque peu imprudente. C’est ainsi que Grégoire de Nazianze se laissera prendre aux mines d’un aventurier venu d’Alexandrie à Constantinople, un nommé Maxime, qui se donnait pour un philosophe cynique. Il l’admit à sa table ; il prononça son éloge en pleine église, le traita de φιλοσόφων ἄριστος (le meilleur des philosophes), affirma que, « sous une apparence étrangère, sa philosophie était celle des chrétiens[2] ». Bientôt il fut informé, à sa vive consternation, que l’intrigant personnage avait essayé de se faire consacrer évêque de Constantinople, au lieu et place de Grégoire lui-même, à qui une si haute situation semblait réservée. Heureusement le pouvoir impérial ne prêta pas les mains à cette supercherie[3]. L’empereur Julien, qui détestait les cyniques, contempteurs de la civilisation hellénique à laquelle il avait voué tant d’amour, n’a pas manqué de les comparer aux « impies Galiléens » et de souligner certaines analogies

  1. Contra Celsum, III, 50-51.
  2. Cf. Or. XXV ; Grég., De Vita sua, v. 955 ; 982.
  3. Grég., De Vita sua, v. 1001 et s.