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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/113

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LE BRACELET DE FER

hurlements des loups avaient rendu fou de peur, venait de prendre le mors aux dents.

Chapitre VII

SERAIT-IL PARDONNÉ ?


Paul, tout en tenant Nilka étroitement serrée dans ses bras, parvint à passer ses pieds dans les étriers, et à s’emparer de la bride ; maintenant, il viendrait mieux à bout de sa monture.

— Ne craignez rien, Nilka, chère bien-aimée, dit-il, en se penchant sur la jeune fille. Negro finira par se calmer et…

Mais elle ne l’entendit pas ; elle avait perdu connaissance.

Enfin, Negro cessa son galop furieux. Il se mit au trot, puis au pas. Aussitôt, Paul l’arrêta, et, étant descendu de cheval, il déposa Nilka au pied d’un arbre. Ayant mouillé d’eau froide le front et les mains de la jeune fille, il eut le bonheur de la voir ouvrir les yeux.

— Où suis-je ?… demanda-t-elle, tout d’abord. Puis, reconnaissant son compagnon, elle ajouta : M. Laventurier !

Mlle Lhorians ! répondit-il.

— Comment se fait-il que vous soyez ici, et que vous soyez arrivé si opportunément à mon secours ?

— Je suis venu dans ces régions pour y accomplir une mission… Je m’acheminais vers le nord, quand j’ai entendu vos cris de détresse.

— Oh ! n’était-ce pas épouvantable ? Ces loups ! Ces horribles loups !

Sa tête tomba sur l’épaule du jeune homme, qui pressa contre son cœur celle qu’il aimait depuis longtemps.

— Essayez d’oublier, chère enfant ! conseilla Paul.

— Oublier ?… Jamais, jamais je n’y parviendrai ! s’écria-t-elle, en se levant. Sans vous, M. Laventurier…

— N’en parlez pas seulement, je vous prie ! Un autre que moi, qui se serait trouvé à ma place, eut fait exactement ce que j’ai fait, moi.

— J’en doute, répondit Nilka. Si vous aviez mal visé, lorsque vous avez envoyé ces deux coups de revolver, le Sauvage…

— Qui était-ce donc que ce Sauvage ? Et comment se fait-il…

— Je vous raconterai tout… plus tard… lorsque je m’en sentirai le… le courage et la force… Mais, vous ai-je remercié, M. Laventurier ?… Je crois vraiment que je l’ai oublié…

— J’espère, Mlle Lhorians, fit Paul gravement, que vous avez assez d’estime pour moi pour ne pas chercher à me remercier de ce que j’ai fait. Merci Dieu ! Je me suis trouvé là à point pour vous secourir.

— Sans vous, sans votre intervention… Ô ciel ! s’écria Nilka.

— N’y pensez plus, chérie, n’y pensez plus, je vous prie !… Tenez, parlons d’autre chose plutôt. Vous m’avez demandé, tout à l’heure, où nous étions… Nous sommes en pleine forêt, à quelques milles des régions habitées je crois… Dites, Mlle Nilka, aimeriez-vous vous rendre à Roberval ce soir ?

— Oh ! fit Nilka. Si je pouvais retourner chez-nous plutôt, à L’épave, je veux dire… Mon père…

— Rien de plus facile, Mlle Lhorians, que de vous ramener à L’épave immédiatement. Mon domestique ne doit pas être loin, avec la chaloupe ; je vais l’appeler.

Il souffla dans son porte-voix, et aussitôt, Prosper répondit :

— Je suis ici, tout près, M. Paul.

En effet, une chaloupe apparut aussitôt, et Prosper, qui la conduisait, sauta sur la grève. Paul se demanda si Nilka allait reconnaître le domestique du « château » ; mais non, elle ne le reconnut pas. La dernière fois qu’elle avait vu Prosper, il portait la livrée des Fiermont ; ce soir, il était recouvert d’un imperméable ; de plus, il était coiffé d’un grand chapeau mou, dont les bords retombaient sur son front et sur son cou.

Inutile de dire si le domestique fut étonné d’apercevoir son maître en compagnie d’une jeune fille ; de Mlle Lhorians, la fille de l’horloger. Il la reconnut tout de suite, ce dont il ne fit rien voir, en domestique bien dressé qu’il était ; d’ailleurs, ce n’était pas de ses affaires.

— Tu vas retourner à Roberval, lui dit Paul. Negro n’est pas fatigué, et il te ramènera jusque-là. Moi, je me rends à L’épave, y conduire Mademoiselle, ajouta-t-il, en désignant Nilka.

Ce fut une promenade agréable que firent les deux jeunes gens sur le lac St-Jean, ce soir-là. Après que Nilka eut raconté à Paul l’histoire de son enlèvement et de ce qui s’en était suivi, ils causèrent tous deux de leurs amis de Québec.

— J’ai connu deux aimables jeunes filles de Roberval, des institutrices, qui passent leurs vacances de Pâques et de Noël à Québec, les demoiselles Laroche… Je les ai beaucoup aimées. Nous correspondons ensemble.

Mlles Laroche ? Ah ! oui, je les connais bien. De charmantes jeunes files, tout à fait charmantes ! s’écria Paul.

— Vous connaissez les demoiselles Laroche, dites-vous ? s’exclama Nilka. Mais… Je ne comprends pas… Elles m’ont dit ne pas vous connaître…

— Ne pas me connaître ?… C’est assez singulier ! fit le jeune homme qui, assurément, oubliait… bien des choses lorsqu’il parlait ainsi.

— Elles m’ont assuré qu’elles ne connaissaient pas de M. Laventurier… que jamais elles n’avaient entendu prononcé ce nom seulement. N’est-ce pas étrange ?

Paul se mordit les lèvres… « Tante Berthe » le lui avait dit : cet enfantillage de sa part, de s’être laissé appeler M. Laventurier, par Nilka, lui avait joué de mauvais tours déjà… Il espérait cependant, se faire pardonner par Nilka… Lui pardonnerait-elle ?… Il le saurait bientôt ; ce soir… demain le plus tard.

— Ah ! Mais ! Nous voilà presque sur L’épave déjà ! dit-il soudain. Et si Nilka remarqua que « M. Laventurier » n’avait pas répondu à sa question, elle n’en fit rien paraître.

Encore quelques coups d’avirons et la chaloupe accostait. Un appel, au moyen du porte-