Aller au contenu

Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
pensée et morale.

mêmes, à plus de calme et de bon sens. Mais Jean-Jacques, qui prenait au tragique et comme des préceptes les constatations malicieuses de La Fontaine sur les injustices de la vie, ne pouvait comprendre la morale expérimentale du satirique, non plus que celle du fabuliste. C’est toujours le nigaud de loup qui, entendant la mère « tencher son lieu qui crie », croit qu’il n’a qu’à se présenter pour qu’on lui jette l’enfant sous la dent.

Il y a longtemps que Saint-Marc-Girardin ajustement défendu Molière d’avoir voulu ébranler, dans son principe, l’autorité paternelle dont il accuse seulement les excès d’arbitraire égoïste, malheureusement trop favorisés encore, au xviie siècle, par l’omnipotence légale du père de famille et la persistance du vieux droit romain. « Les frères, les maris, les vieillards que Molière raille gaîment, ne sont pas ridicules par leur caractère de père, de mari et de vieillard, mais par les vices et les passions qui déshonorent en eux ce caractère. » Et il conclut avec justesse : « Image de la vie humaine, le théâtre est moral comme l’expérience… La Comédie, en faisant punir les vices les uns par les autres, représente la justice du monde telle qu’elle est.

C’est à ce point de vue, encore et surtout, qu’il faut se placer pour juger les œuvres capitales sorties, coup sur coup, durant sa période la plus combative, des indignations croissantes du poète insulté, le Tartuffe, Don Juan, le Misanthrope (1664-1669). Là sont incarnés, en des personnages très complexes, comme tous les produits d’une civilisation avancée, à la fois très individuels et très généraux,