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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/179

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pensée et morale.

que celui-ci ne dit qu’avec une multitude de métaphores qui approchent du galimatias. Jaime bien mieux sa prose que ses vers… » Vauvenargues, en rappelant les paroles de Fénelon, les aggrave d’un ton tranchant qu’excusent sa jeunesse, sa maladie, sa solitude : « Il y a peu de poètes, si j’ose le dire, de moins corrects et moins purs que lui. »

La critique se calme, ensuite, durant les xviiie et xixe siècles, jusqu’à ce que Schérer, par un article du Temps en 1882, Une hérésie littéraire, réveille, pour longtemps, les discussions et les tempêtes. Le réquisitoire est long, la conclusion est dure : « Il n’y a pas moyen de se dérober à la conviction que notre grand comique est aussi mauvais écrivain qu’on peut l’être lorsqu’on a, du reste, les qualités de fond qui dominent tout. » Un fond qui domine tout n’est peut-être pas d’un style irréprochable pour un puriste si dédaigneux. Mais les juges et les magisters ont aussi leur jargon et Molière eût bien éclaté de rire en écoutant son accusateur énumérer ses crimes en termes si pédantesques. Après avoir repris dans le Misanthrope quelques exemples de négligences qu’on cite sans cesse, constaté les chevilles « continuelles et horribles », les répétitions de mots et de phrases « qui se suivent par voie de juxtaposition, sans se lier, sans se combiner organiquement », les synonymes oiseux, les tautologies, la prolixité, s’alliant à l’afféterie et produisant l’amphigouri, toutes les monstruosités qu’il y voit ou croit voir, Schérer dénonce résolument le coupable à l’indignation vengeresse des grammairiens, philosophes et écolâtres. Horreur suprême ! La