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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/143

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LETTRES 1881-1882

Je vous ai fait part de mes pleurs, vous n’y croyez qu’avec un sourire et me répondez ce que me répond tout le monde : — « Vous êtes bien jeune ! » hélas ! croyez-vous que je pose ?

Bien des choses à dire !

Trois ou quatre individus savent seuls un peu la vie que j’ai menée à Paris, il y a deux ans. Et encore, non, je suis seul. — Quand je relis mon journal de cette époque, je me demande avec des frissons comment je n’en suis pas mort.

J’avais dix-neuf ans, par conséquent pas un brin de mon métier. — Autrement quel livre noir et aigu, j’aurais à la place de celui sur lequel je m’acharne de temps à autre encore !

Pourquoi bavarder aujourd’hui sur ces deux années qui seront probablement la note aiguë de ma froide, froide destinée ?

Cela se raconte par bouts de conversation de temps en temps quand cela nous remonte à la gorge.

Oui, je bâtis un roman qui sera une autobiographie de ma pensée, alors j’analyserai ma petite névrose, car j’en ai une. Une névrose religieuse. J’étais croyant. Depuis deux ans, je ne crois plus. Je suis un pessimiste mystique. Les vitraux de-Notre-Dame m’ont rendu malade souvent. Pendant