Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

cinq mois, j’ai joué à l’ascète, au petit Bouddha avec deux œufs et un verre d’eau par jour et cinq heures de bibliothèque. J’ai voulu aller pleurer sur le Saint-Sépulcre. Maintenant, dilettante, revenu de tout, j’irais fumer une cigarette sur le Golgotha en contemplant quelque couchant aux tons inédits. Pascal n’est que de la Saint-Jean à côté de votre serviteur.

(Avez-vous lu Le Roi vierge de Mendès ?)

Maintenant dilettante, virtuose, guitariste.

Cependant je souffre encore parfois. Seulement l’envie de pousser des cris sublimes aux oreilles de mes contemporains sur les boulevards et autour de la Bourse m’est passée, et je me borne à tordre mon cœur pour le faire s’égoutter en perles curieusement taillées.

La vie est trop triste, trop sale. L’histoire est un vieux cauchemar bariolé qui ne se doute pas que les meilleures plaisanteries sont les plus courtes. La planète Terre était parfaitement inutile. — Enfin peut-être Tout n’est-il que rêve ; seulement Celui qui nous rêve ferait bien de hâter le cuvage de son opium.

Trouvez-vous encore que je sois jeune ?

Sachez, Madame, qu’à dix-neuf ans j’ai rêvé de m’en aller par le monde, pieds nus, prêchant la