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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/145

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LETTRES 1881-1882

bonne loi, la désertion des idées, l’extradition de la vie…, etc… (airs connus). Hélas ! à la première étape, la gendarmerie m’eût arrêté comme vagabond. Prophète n’est plus un métier.

Donc je regarde passer la vie, c’est très curieux, je mange mon cœur à diverses sauces épicées, fais des vers, de la prose. Et je rêve, j’essaie la critique d’art de demain.

Et voilà. Si j’avais de l’argent, je collectionnerais des céramiques, des japonais, des toiles aiguës d’impressionnistes… je voyagerais. — Je hais les foules, le suffrage universel, je n’aime que l’art et moi (mon spleen, ma santé, mon cerveau).

Et vous, qui êtes-vous ? Je ne me gêne pas, n’est-ce pas ? Mon Dieu, existez-vous ? Existé-je ? Donc tout est égal. Nous sommes contemporains — vous êtes au-dessus des foules, — causons, désennuyons-nous par notre chanson, chacun la sienne.

Si je vous plais, dites-le-moi, je m’achèterai des fleurs que j’irai respirer longuement dans le coin le plus intime de ma chambre ; maintenant redevenons homme de lettres, citoyen français, majeur, vacciné, impropre au service militaire.

Je vous renvoie la pièce que vous appelez votre « fille unique » (prenez une copie de votre manuscrit et renvoyez-le-moi, car il porte au dos un