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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t4, 1925.djvu/52

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ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

la main, me débarrasse de mon pardessus, me fait asseoir, me parle français. Je lui parle de quantité de livres de médecine célèbres que j’ai lus dans mes années de travail humble aux bibliothèques de Paris. Cela l’attendrit, il me sert lui-même, trouve que je ne mange pas assez (j’ai renoncé à compter les plats). Demain la cour part pour Berlin à neuf heures du matin. Nous serons dans le même wagon — à Berlin nous nous verrons tous les jours, nous irons ensemble à l’Opéra ; il jure de me faire apprendre tout à fait l’allemand. Ah ! le brave homme de médecin ! (l’hiver dernier, quand j’avais mes palpitations, je ne me doutais pas). À huit heures je rentre, on me sert du thé, le cœur me bat ! Dans une demi-heure, je lirai à la reine ! Il pleut à verse, toutes les heures on vient entretenir mon calorifère — un grand calorifère carré qui monte jusqu’au plafond. En habit, j’arpente ma chambre. Enfin ! Vois-moi, de grâce, montant les larges escaliers blancs !

À huit heures et demie, un valet vient me chercher. Je suis en habit. Je traverse d’innombrables corridors, entre des sentinelles, et j’entre ! Je ne suis pas tombé à la renverse.

Autour d’une table, deux princes, quatre jeunes princesses, la comtesse Hacke, l’Impératrice en