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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/102

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

fait anoblir pour satisfaire sa femme, — en se mariant, elle avait perdu sa particule ; le violoniste Joachim, le peintre Menzel, haut comme une botte de garde-cuirassier, chamarré de colliers et d’ordres, mais portant aussi la Légion d’honneur, allant et venant, connaissant tout le monde, ne perdant pas une seule de ces soirées, circulant entre tous ces personnages comme un gnome et comme le plus enfant terrible des historiographes.

Cependant le ministre de Puttkammer, dans son bel habit brodé, avec son collier d’aigles, se pavane, superbe. Le comte Herbert de Bismarck fait des apparitions, tordant sa grosse moustache, tourmentant son lorgnon, les sourcils déjà jupitériens, lançant çà et là de fortes plaisanteries d’un air froid. Et partout, des officiers se saluant, cassés en deux et remettant leur monocle, partout des chambellans zébrés d’or, leur canne de cérémonie à la main, leur clef d’or dans le dos, au milieu d’un nœud de moire bleue.

Cependant, une à une, les ambassades passent, groupées derrière leur ambassadeur, l’air froid, ne se retournant pas, ne connaissant là presque personne. Ce sont elles qui excitent le plus la curiosité de la double haie, surtout celle des