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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/113

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

qui en a conservé l’espoir jusqu’au dernier moment et qui compte nombre de provinciaux venus spécialement à Berlin pour cette occasion, la seule où l’on puisse voir l’empereur de près, le public s’abandonne aux plus sombres pressentiments.

Mais le vieux souverain est trop pénétré de son rôle ; les idées de parade, de tradition, de discipline sont trop fortement ancrées dans son cerveau, qui n’en a même guère plus d’autres, pour qu’il manque cette occasion, unique dans l’année et universellement attendue, de montrer à ce public non officiel comment il se tient et marche encore, dût-il pour cela passer par-dessus les ordres de son médecin, le docteur Lauer.

Le public du bal de l’Opéra est assez étrangement composé. D’un côté, l’aristocratie et l’armée y viennent franchement, puisque la cour s’y montre, quitte d’ailleurs, l’aristocratie, à occuper les loges et les galeries, regarder le public circulant sans se mêler à lui et s’en aller peu après la cour, — et l’armée, à faire, comme toujours, bande à part. D’un autre côté, le public civil qui circule et danse est fort mêlé : on y coudoie des acteurs de petits théâtres et nombre de commis. Il arrive donc que toute une partie