Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

de la bonne société de Berlin, celle qui ne touche ni à la noblesse ni à l’armée, mais forme surtout la société riche et lettrée, considère comme vulgaire de mettre les pieds au bal de l’Opéra. Il faut d’ailleurs se hâter d’ajouter que, si mêlé que soit ce public, il demeure toujours irréprochable. Tout Allemand, en effet, est né digne et, dès qu’il se sent dans un habit noir, pas un geste ne lui échappe qui ne lui vienne d’une étude attentive de la tenue de ses supérieurs hiérarchiques.

Comme en toute occasion semblable, dans ce bon Berlin où l’on respire le petit état de siège, les alentours de l’Opéra sont, ce soir-là, soigneusement balayés par la police à cheval, et, comme toujours aussi, on retrouve au bord du trottoir cette haie de pauvres gens, au teint hâve, aux cheveux blond filasse, regardant bouche bée et ne songeant pas à se permettre le moindre mot, la moindre gouaillerie.

On n’imagine pas un Opéra moins gai que l’Opéra de Berlin. À l’extérieur, un petit temple