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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/121

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

nouvelles recrues de l’Opéra, et va dans la loge diplomatique s’asseoir entre deux ambassadrices, et là causer vingt minutes. Causer, hélas ! Le public qui voit le souverain remuer les lèvres, sourire, rire, retrousser ses moustaches, et ces dames sourire également d’un air charmé, le public s’y trompe.

Mais toute la conversation se borne au vague monologue français de l’empereur. Il est inutile de lui répondre : la fatigue de son esprit étant au moins aussi grave que sa surdité. Une heure après, l’empereur et la cour rentrent au palais. Avec le départ de la cour, les loges et les galeries se dégarnissent peu à peu de moitié, et, peu à peu également, le corps diplomatique s’évanouit, sauf quelques jeunes attachés qui descendent se mêler au public dansant, pour faire admirer leur habit de Paris ou de Londres et l’impertinence de leur accent français. Et de fait, le bon Berlinois qui les frôle admire, envie, et se sent incurablement Berlinois.