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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/137

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

Enfin la garde passe. L’empereur se met à la fenêtre pour la saluer ; Berlinois badauds, et étrangers hissés sur leur fiacre, ôtent leurs chapeaux.

Puis c’est le grand vide de l’heure du dîner : à peine quelques passants sur un trottoir, pas un chat sur l’autre.

L’avenue se réveille : une calèche découverte passe, c’est l’empereur qui va au bois à son heure habituelle. Il est affaissé dans son éternel manteau gris à col de fourrure ; près de lui est assis l’aide de camp de service ; des hommes ôtent leur chapeau et s’inclinent, des femmes font la révérence, de front, au bord du trottoir.

Et c’est l’après-midi, livrée aux flâneurs, aux officiers surtout, aux bourgeois en vacances, aux attachés d’ambassade, lesquels s’ennuient.

L’empereur revient du bois. Bientôt on voit arriver au palais la voiture fermée de M. de Bismarck.

Au bout de l’avenue, solitaire et raide dans son manteau, avec sa face de momie, jaune, le feld-maréchal Moltke se promène, fait un petit tour. La rue ne semble pas exister pour lui. C’est le Schlachtendenker, le « penseur de batailles ». Jamais un Allemand n’aura ce type : il est vrai