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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/139

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

vu se multiplier les fiacres de première classe, j’ai eu peur que le merveilleux fiacre de deuxième ne disparût : il n’en est rien ; on en bâtit de nouveaux. Et l’on verra encore longtemps ces véhicules fermés, bâtis en dépit de la ligne droite, où tout invite au cahotement d’avance, caisse peinte en orange violet et roues vertes, caisse verte et roues jaunes, etc. ; au flanc, un énorme numéro en noir sur un grand carré blanc. À l’intérieur, un grand carton pend, détaillant les tarifs. Et le cocher ! avec son bonnet de cosaque, ses bottes d’égoutier, sa giberne de cuir sur le devant, sa barbe immonde et son ignorance du pourboire.

Point d’équipages, point de livrées. Le cocher porte toutes les façons de barbe, excepté les deux seules que la cour et nous trouvions correctes. C’est la moustache de sergent ou toute la barbe. Le plus piteux, c’est les chapeaux, ces chapeaux hauts de musiciens errants. J’ai vu un coupé de maître, à la Bourse, le cocher était coiffé d’un vieux chapeau claque de son maître, ce chapeau avait une de ses quatre armatures cassée, mais on y avait adapté une cocarde toute neuve et vernie qui lançait des feux au soleil comme un diamant noir.