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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/141

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

plissé est à découvert et montre aux passants son horrible bois jaune verni. Le corbillard est escorté de quatre croque-morts. Les croque-morts berlinois sont vêtus comme des bedeaux, vieux gibus et longue redingote noire. Personne derrière le cercueil, rien que des voitures. Jamais de voitures spéciales aux pompes funèbres. Dans la rue, personne ne salue.

Deux ouvriers sans travail flânent le long des magasins. De temps en temps, ils sortent de leur poche un flacon d’eau-de-vie et en boivent une gorgée.

Devant l’Opéra, on accroche au réverbère la plaque de tôle portant en grosses lettres, noir sur blanc : « On commence à sept heures ». La pauvresse qui vend des programmes est toujours là et crie ses livrets d’opéra.

Des garçons et des fillettes reviennent de l’école. Ils ont au dos, comme des fantassins, le sac de cuir velu. Du sac pend la petite éponge destinée à effacer au tableau noir ou sur l’ardoise. Ils s’arrêtent devant l’Arsenal et, s’asseyant sur les chaînes tendues d’une borne à l’autre autour de ce monument, jouent à l’escarpolette.

Pas de kiosques de journaux. Il faut aller jusqu’au point central de Berlin, le coin des