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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/221

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UNE VENGEANCE À BERLIN

Bertha de Tackt était une belle jeune dame à longues tresses blondes, mal fagotée, trop de bagues aux doigts, trop de médailles aux bracelets de ses poignets, un chapeau Gainsborough trop aventureux pour sa figure naïve et bourgeoise. Elle commença :

— Excusez, monsieur, le bien mauvais français de ma lettre.

— Mais, madame, il est aussi irréprochable que votre accent.

— Vous me flattez, en vrai Français. Aussi en viendrai-je tout de suite au sujet qui m’amène[1]… J’ai lu depuis trois jours le programme de votre concert de demain. Eh bien ! ce programme « m’endommage », il faut qu’il soit modifié, il faut… Voici : vous le terminez par un Soir de Bayreuth, inédit de Liszt ; est-ce ceci ?

Et la dame fredonna quelques mesures.

— Parfaitement.

— Eh bien ! cette œuvre inédite de Liszt m’appartient, et à moi seule. Liszt l’a écrite pour moi seule et me l’a dédiée. Seule, je croyais

  1. Ici dans le manuscrit : Enchanté, en tout cas, de faire la connaissance d’une collègue. Élève de Kullak, sans doute ? — Non. — Est-ce possible ?