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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/44

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

aigres et monotones que les gamins berlinois sifflent en flânant. À l’approche du palais, sur un signe du porte-étendard, les fifres se taisent et la musique commence. Cet étendard qui précède la musique est assez étrange. Qu’on se figure une étoile d’argent surmontée d’un aigle aux ailes étendues ; au-dessus de l’aigle, un chapeau chinois avec ses clochettes supportant un croissant, des pointes duquel pendent deux queues de crins, l’une rouge, l’autre blanche. Voici le palais. Les soldats prennent le pas d’ordonnance, c’est-à-dire tapent furieusement de la semelle, et tous, le cou tendu, regardent fixement la fenêtre du coin du palais, « la fenêtre historique ». L’empereur paraît à cette fenêtre, en gilet blanc, tunique à revers rouges, la croix du Mérite au cou, celle de 1870 sur la poitrine. Il sourit, la foule soulève des centaines de chapeaux et quelquefois clame. L’heure culminante, l’heure militaire est passée.

Nous n’avons que le canon du Palais-Royal, les jours de soleil.

Le principal relais de la garde est le Corps de Garde.

Le Corps de Garde est vraiment le centre moral et symbolique de Berlin, aussi bien qu’il