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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/63

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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

toutes les peines du monde, et jusqu’à la dernière heure, à l’amener à ouvrir l’Exposition des Beaux-Arts de Berlin, consacrant le centenaire des « Salons » berlinois. L’empereur ne va jamais au concert ; Wagner a fait des barricades en 1848, c’est oublié, mais être wagnérien comme son petit-fils le prince Guillaume, qui appelle Bayreuth « le nouvel Olympe », ou comme son ministre M. de Puttkammer, c’est à ses yeux de la folie douce. Le drame et la comédie ne l’intéressent guère ; l’opéra est sa seule distraction, il ne manque guère un ballet et, les soirs de parade, il livre les trois quarts de la salle aux officiers de Berlin et leur fait servir un ballet monstre.

La voix de l’empereur est une bonne grosse voix militaire, sympathique et sérieuse, coupée d’intonations fermes et loyales, avec quelque chose de fataliste et de mystique. Encore aujourd’hui, dans les cérémonies officielles, la voix du vieux souverain porte mieux que celle de son fils, qui est un peu grêle et essoufflée.

Mystique et fataliste, ai-je dit de cette voix. Et, à l’entendre, on a presque la confidence de tout ce caractère et de cette vie. Qu’on se figure un prince élevé dans la tourmente des invasions