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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/64

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

de Napoléon Ier, grandi dans une cour pauvre, arrivant au trône à soixante ans, et alors, poussé par un insurmontable instinct de faible à s’accrocher, envers et contre tous, à un ministre paradoxal, turbulent, terrorisant, qui lui tombe comme un aérolithe et dont le caractère est justement tout l’opposé du sien, se jetant chaque soir à genoux pour demander conseil à Dieu, maudissant ce « tyran », ce « despote » qui le pousse à la guerre « fratricide » de 1866, qui fait que ses sujets ne le saluent plus dans la rue, qui le pousse surtout à cette extrémité la plus sensible qui puisse être à son cœur imbu de légitimité : la dépossession du Hanovre, de la Saxe, du Wurtemberg, du Mecklembourg, et toujours cédant, et finalement amené, à travers quelle série de triomphes inouïs ! à venger sa mère des impertinences de Napoléon Ier, à aller relever à Versailles le titre tombé d’empereur d’Allemagne, à être enfin le patriarche européen que les lyriques de la presse allemande chantent aujourd’hui.

« Par la grâce de Dieu », — cette formule est dans la bouche de Guillaume Ier plus qu’une traditionnelle formule du trône, et l’on se souvient comme il bénit la Providence en tête