Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

bert qui se rend auprès de l’empereur. Le comte Herbert affecte les tics de son père, imite son écriture et se sent déjà carrément futur chancelier, sinon prince impérial, comme l’a appelé un jour, dans les Débats, M. John Lemoinne.

L’été dernier, lors de l’aventure d’Alexandre de Bulgarie, le chancelier quittait Berlin chaque après-midi et venait jusqu’au château de Babelsberg conférer avec l’empereur.

Le chancelier arrive toujours en voiture fermée ; il ne se montre d’ailleurs jamais aux Berlinois soit en voiture découverte, soit à pied, mais seulement à cheval, en uniforme, dans les allées du bois, et on ne le voit jamais ni au spectacle, ni aux fêtes de la cour. Le chancelier est sanglé dans son uniforme de cuirassier jaune ; il laisse sa casquette dans la voiture et prend son formidable casque de métal poli. Il entre, il traverse le vestibule, tête haute, en maître, tenant son portefeuille rouge sous le bras. Il n’a pas eu à se faire une tête, la nature l’a monstrueusement servi, et l’on comprend que lorsque l’on peut présenter aux gens cette taille de géant dans un uniforme aussi barbare, et d’aussi terribles sourcils blancs, et cette face de vieux