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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/70

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ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

Dès une heure, tout retombe dans le silence. Les valets jouent, feuillettent de vieux illustrés, bâillent, quelquefois même désertent le vestibule : il y a vraiment des moments où l’on pourrait entrer au palais comme dans un moulin.

L’empereur et l’impératrice vivent aussi séparément que possible à Berlin, et, l’été, ils s’arrangent pour ne pas se trouver ensemble. Ils prennent leurs repas séparément, font séparément leur promenade, ne se montrent jamais ensemble en public. Le soir, vers onze heures, quand l’impératrice, entre les mains de ses caméristes, lit le Figaro, l’empereur monte un instant. Ces caméristes lui sont de vieilles amies qui portent en breloque les grains de plomb extraits de sa blessure, après l’attentat de 1878 : l’une d’elles, même — la plus âgée — fut seule, avec une dame d’honneur, à l’accompagner dans sa fuite en 1848. Le souverain cause un instant, familièrement, de la soirée à l’Opéra, des audiences de la journée, de ce qu’on a dit au thé, etc. Sa bonne humeur est inaltérable, paraît-il, et il cède toujours doucement devant l’inaltérable mauvaise humeur de nerfs de l’impératrice, comme il cédait autrefois devant