Aller au contenu

Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
ŒUVRES COMPLÈTES DE JULES LAFORGUE

aujourd’hui, demain, dans les moindres occasions.

C’est là, en effet, le sujet capital des conversations dans les deux palais. De plus en plus, on sent que l’heure va sonner où les uns prendront la place des autres. L’empereur sait que ses meilleurs serviteurs seront peut-être tenus en disgrâce et que son œuvre sera peut-être gâtée. L’impératrice se dit que, veuve, la vie à Berlin et même en Allemagne lui sera rendue impossible par la nouvelle souveraine, cette étrangère aux goûts tout modernes, dont l’influence lui a déjà enlevé l’affection et le respect de son fils, et elle parle depuis longtemps de se retirer à Rome.

Au palais du prince héritier, l’exaspération grandit tous les jours. Le prince vieillit dans l’inaction, son père est trop jaloux de son pouvoir pour lui abandonner la moindre part aux affaires militaires ou civiles. Mais les causes du désaccord sont complexes. L’autorité du chef de famille est chez les Hohenzollern un principe sacré et qui peut être poussé aux dernières rigueurs. À cinquante ans encore, le souverain actuel n’était que prince royal et devait se plier, avec la princesse sa femme, aux caprices