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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/17

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verselle. On avait beaucoup raillé cette déclaration ; elle contenait quelques erreurs, et confondait dans les termes l’état de nature et l’état de société, mais elle était au fond le dogme nouveau.


VI

Il y a des objets dans la nature dont on ne distingue bien la forme qu’en s’en éloignant. La proximité empêche de voir comme la distance. Il en est ainsi des grands événements. La main de Dieu est visible sur les choses humaines, mais cette main même a une ombre qui nous cache ce qu’elle accomplit. Ce qu’on pouvait entrevoir alors de la Révolution française annonçait ce qu’il y a de plus grand au monde : l’avénement d’une idée nouvelle dans le genre humain, l’idée démocratique, et plus tard le gouvernement démocratique.

Cette idée était un écoulement du christianisme. Le christianisme, trouvant les hommes asservis et dégradés sur toute la terre, s’était levé à la chute de l’empire romain comme une vengeance, mais sous la forme d’une résignation. Il avait proclamé les trois mots que répétait à deux mille ans de distance la philosophie française : liberté, égalité, fraternité des hommes. Mais il avait enfoui pour un temps ce dogme au fond de l’âme des chrétiens. Trop faible d’abord pour s’attaquer aux lois civiles, il avait dit aux puissances : « Je vous laisse encore un peu de temps