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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/110

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BOILEAU.

la déguiser : il en peut traduire même ce qu’elle a d’« affreux » et le rendre « aimable », précisément par la vérité intense de l’expression. Il n’est pas besoin, comme le suggérait assez ridiculement d’Aubignac, que Camille se jette par mégarde sur l’épée d’Horace : le fratricide conscient, volontaire, est plus beau dans son immoralité barbare. Néron est beau comme « monstre naissant » : affadi par Quinault, il serait moins « plaisant » parce qu’il aurait moins de caractère. Les dégoûtés qui trouvent le sujet de Britannicus trop « noir », sont des petits-maîtres et de jolies dames qui n’entendent rien à l’art. Un artiste aime la brutalité des passions naturelles, comme il admire le dessin d’un os ou la saillie d’un muscle.

Boileau allait plus loin encore : il n’excluait pas de l’art la nature non plus horrible, mais simplement laide ; sa poésie en fait foi. Le laid, chez lui, n’est jamais le « grotesque », cet agrandissement épique qui neutralise la laideur sous prétexte de la manifester : il reste le laid, mesquinement, bassement, naturellement laid ; et ce n’est que la précision sévère de l’imitation qui lui donne une manière d’agrément et de beauté.

Cependant Boileau admettait bien la nécessité de faire un choix dans la nature. Et d’abord, sans y songer, sans en faire une règle expresse, moins par une disposition particulière de son goût que par l’impossibilité de penser autrement en son temps, il ne semble pas supposer que le modèle imité par