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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/111

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

poète puisse être autre chose que l’homme ; je veux dire l’homme intérieur et moral. On ne s’apercevrait guère, à lire l’Art poétique, qu’il a fait un Repas ridicule ou des Embarras de Paris. Même dans l’églogue il n’accorde guère de place à l’élément descriptif et champêtre, et c’est toujours à la peinture des sentiments humains, à celle, par exemple, des plaisirs de l’amour, qu’il ramène le poète : la psychologie règne jusque dans le genre pastoral. Mais ici s’impose un nouveau choix, et de nouvelles éliminations vont se faire. Si les anciens sont admirables pour avoir rendu la nature avec vérité, et si nous pouvons juger de cette vérité, c’est donc que la nature qu’ils ont représentée est encore devant nos yeux. La nature, disais-je, ne change pas : mais assurément quelque chose change dans la nature, et ce n’est pas à cela que l’imitation des anciens se rapporte. Ils ont exprimé ce qu’il y a dans la nature d’immuable, d’universel et d’éternel. Et voilà ce que nous devons nous proposer aussi pour modèle : ce qui, étant universellement vrai, sera universellement intelligible. La poésie, disait Aristote, exprime le général. Elle a pour objet les lois et les types, les rapports essentiels et les caractères spécifiques. Des réalités, sans les copier, elle dégage la vérité qui les fait être. C’est la formule même du théâtre classique, des ridicules de Molière comme des héros de Racine.

Mais alors que doit penser Boileau de sa propre poésie, dont la caractéristique est précisément d’ex-