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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/113

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

ne sont pas suspects de s’être reposés dans la banalité, c’est Corneille et Racine, c’est Descartes, Bossuet, La Fontaine, c’est La Bruyère, c’est Pascal ; tous ont écrit ou agi comme s’ils pensaient que la nouveauté n’est pas une condition nécessaire de l’originalité. La nouveauté du sujet, d’abord : voyez ce qu’elle pèse ; car La Motte l’a, et La Fontaine ne l’a pas. Racine prend Phèdre, Iphigénie à Euripide ; Corneille emprunte son Cid à Guilhen de Castro. Nos classiques avaient tort, dira-t-on ? mais voyez Shakespeare ; voyez nos peintres qui font encore des Sainte Famille, nos sculpteurs qui font encore des Diane. La nouveauté des pensées, dans un sujet, ne donnait pas plus de souci, au xviie siècle. « Qu’on ne dise pas, notait Pascal, que je n’ai rien dit de nouveau. La disposition des matières est nouvelle. Quand on joue à la paume, c’est une même balle dont on joue l’un et l’autre, mais l’un la place mieux. » Et la Bruyère, prenant la plume, écrivait d’abord : « Tout est dit » ; puis il faisait un gros livre, excellent et très original.

Si, en effet, « rien n’est beau que le vrai », et si le charme, le je ne sais quoi qui transporte dans les ouvrages de l’esprit « consiste principalement à ne jamais présenter au lecteur que des pensées vraies et des expressions justes », on ne doit pas prétendre à tout prix trouver du nouveau, ni se décourager de n’en pas rencontrer. Il est tout simple que les anciens, avec la même raison, devant la même nature que nous, aient aperçu bien des vérités où