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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/116

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BOILEAU.

D’abord le lyrisme semble être exclu ou condamné. Car, si l’imitation de la nature, et de la nature qu’aperçoivent et reflètent tous les esprits, est la loi souveraine, il semble bien que l’œuvre d’art doive avoir ces deux caractères : objectivité et impersonnalité. Or le lyrisme, par définition, c’est individualité et subjectivité. Ne semble-t-il pas qu’on ne puisse donner dans le lyrisme qu’en s’éloignant de la nature ? Et de fait, il n’y a pas d’écoles plus opposées en littérature que le romantisme (dont la caractéristique est le lyrisme) et le naturalisme. En peinture, on peut se passer peut-être du romantisme et du lyrisme, et y gagner ; mais il n’y a point de littérature qui, si elle n’a pas de poésie lyrique, ne soit amoindrie et découronnée. Pour être une doctrine complète et suffisante, le naturalisme doit s’élargir pour faire place au lyrisme. Et peut-être cela ne lui est-il pas aussi impossible qu’on pourrait croire. Car l’émotion, l’enthousiasme lyriques sont dans la nature aussi. Cette déformation de la réalité par la sensation, cette expansion du moi qui se répand sur les choses, ce sont des phénomènes naturels et généraux qui ont leurs lois, leurs causes et leurs signes permanents. Quand le poète exprime les choses telles qu’il les sent et les souffre, non telles qu’elles sont, c’est cette altération, cette amplification même des impressions ordinaires et communes, qui est significative, et qui est vraie d’une vérité universelle. S’il y a un lyrisme hors nature, il y en a un aussi selon la nature. Par sa sensibilité toujours