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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/117

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

frémissante, le poète nous révèle les profondeurs mystérieuses et les passivités latentes de notre propre être : ses émotions individuelles sont la confession de l’humanité. Car elles ne diffèrent des nôtres que par l’intensité. Le vrai, le grand lyrique, ce n’est pas un Baudelaire, un chercheur de sensations inouïes, perverses, morbides : c’est un Vigny, un Hugo, un Musset, un Lamartine, qui a souffert plus que nous des mêmes choses que nous : c’est celui qui a crié plus hautement les éternels lieux communs dont la pensée obscure opprime notre âme à tous, nos passions, nos misères, nos ignorances, et l’insoluble énigme : pourquoi suis-je venu ? pourquoi m’en irai-je ? pourquoi quelqu’un ou quelque chose ? Le fond de la poésie lyrique étant ainsi ce qu’il y a de plus universel dans les idées de l’humanité, la vibration personnelle du poète qui contemple ces hautes vérités ne sert qu’à leur donner une plus grande force de pénétration pour aller au fond des cœurs. Le subjectif est l’enveloppe et le véhicule de l’objectif. Mais Boileau n’avait pas lui-même le tempérament assez lyrique, et notre langue était trop pauvre alors en poésie lyrique, pour qu’il arrivât à définir exactement l’essence du genre. Il n’en eut qu’une très vague notion et ne sut pas la rattacher aux principes de sa doctrine : il n’eut même pas le sentiment de la difficulté logique en face de laquelle il se trouvait.

En second lieu, à croire qu’on retrouve la nature toujours la même dans les œuvres des anciens et