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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/120

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BOILEAU.

dégoûté ? Cette théorie de l’églogue élégante et galante, d’une naïveté convenue et mièvre, qui rejette dans un coin les chèvres et les moutons comme accessoires inutiles, et ne s’occupe guère que d’analyser avec subtilité une idée artificielle d’amour innocent, n’étonne pas de Segrais ou de Fontenelle : mais comment Despréaux arrive-t-il à la formuler ? Il a mal interprété les œuvres antiques, et préoccupé de l’usage où le goût moderne appliquait le genre pastoral, il a trouvé dans Virgile et dans Théocrite de quoi légitimer une des formes les plus caduques et les plus fausses de la poésie de son temps. Et c’est Virgile et Théocrite qu’il offre pour modèles, ne tenant compte en eux que de ce qu’il y a, en effet, de raffiné et de convenu dans leurs poèmes, ne songeant pas qu’ils ne valaient précisément que par où ils ne pouvaient être imités dans des pastorales doucereuses et spirituelles, par quelques vers immortels, où vit la nature, la vraie nature champêtre, dans sa saine et belle grossièreté.

Par une délicatesse pareille d’honnête homme et de Français, après avoir si bien dit au poète comique

Que la nature donc soit votre étude unique,


il l’enferme presque aussitôt dans un champ d’expériences étroitement délimité, en écrivant :

Etudiez la cour et connaissez la ville.

Quoi ! la cour et la ville : c’est-à-dire la noblesse et la haute bourgeoisie, le monde, ce qui se rassemble