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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/192

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BOILEAU.

munauté absolue de principes : ils ne sont pas au même point de vue. Bussy semble juger l’Épître sur le Passage du Rhin avec les idées de Desmarets : il y condamne l’emploi de la Fable. Surtout il ne s’embarrasse guère des anciens, qu’il a lus légèrement. Il immole Théophraste à La Bruyère : il a raison, sans doute, mais il le dit tout crûment, d’un ton qui sans doute eût choqué Boileau. Ailleurs il se déclare nettement moderne, avec infiniment de sens et de mesure, il est vrai, en se gardant très adroitement. Mais cela suffit à mettre un large fossé entre Despréaux et lui, aussi longtemps du moins que Boileau ne le franchit pas, pour donner satisfaction à son instinct secret et au goût de son siècle. Lié avec Mme de Scudéry, tenant par sa jeunesse au monde précieux, Bussy se trouve sur la fin de ses jours tout proche de Perrault et de Fontenelle, trop grand seigneur et trop bon esprit pour s’embrigader dans un parti littéraire, mais insensiblement et naturellement porté de ce côté par la pente de son esprit.

Le critique selon le cœur de Bussy, et qui représente le goût — et rien de plus — de la société polie, c’est le P. Bouhours, l’auteur des Entretiens d’Ariste et d’Eugène, et de la Manière de bien penser sur les ouvrages de l’esprit, ce fin jésuite, tout en nuances, qui, en proscrivant l’enflure, l’entortillement, la mièvrerie, recommandait l’esprit, la délicatesse, la noblesse, dont l’idéal était le naturel affiné, « le vrai orné », et qui enfin louait les anciens, mais non jusqu’à les préférer aux modernes. Il